Giso HAIDARI : “ Les femmes doivent encore se battre”.

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Giso HAIDARI : "Je demande aux hommes de respecter les femmes". Photo/jean-Fabrice TIOUCAGNA

« Je m’appelle Giso. J’ai 22 ans. Je suis afghane. J’ai quitté l’Afghanistan pour Montpellier le 14 novembre 2019. Avant, j’habitais à Kaboul, la capitale, avec toute ma famille. J’ai quatre frères et une sœur. Mon père est journaliste et ma mère enseignait la biologie. A Kaboul, juste avant de venir en France, j’étais journaliste et travaillais également pour une association. La situation en Afghanistan était compliquée quand j’étais enfant et adolescente. Le pays était en guerre. Je me rappelle que pour nous les filles, c’était tendu : nous n’avions pas vraiment de liberté. Malgré cela, j’ai poursuivi ma scolarité complète jusqu’à l’université, en Licence. 

Kaboul, c’est la ville où je suis née et ai grandi. Quand j’étais petite, je rêvais d’être journaliste, comme mon père. Il a travaillé au National Radio Television of Afghanistan puis au Nai Supporting Afghanistan Open Media, une agence de presse à Kaboul, pendant plusieurs années. En Afghanistan, il est très difficile d’exercer son métier de journaliste à cause des Talibans depuis 2001. Il y a eu quand même un moment plus calme durant la présence américaine. Mais depuis que les Talibans ont repris le pouvoir le 15 août dernier, la situation s’est aggravée. 

Le pays connaît des tensions depuis trente ans. Pour les femmes, particulièrement, la situation sociale est très compliquée. Les droits civiques sont bafoués. Elles n’avaient même pas la possibilité de sortir seules. En 2001, les soldats Américains débarquent donc en Afghanistan et principalement à Kaboul pour sécuriser le pays. Petit à petit, les événements ont évolué. Les femmes ont recommencé à travailler (dans les écoles, les hôpitaux, les administrations…).

 Dans les régions provinciales, la situation a progressé plus lentement. Les sévices corporels envers les femmes continuent. Les mariages forcés sont courants. Le gouvernement afghan s’est intéressé au problème. Il a ainsi créé une maison sécurisée pour prévenir les violences envers les femmes. Des travailleurs sociaux sont chargés de leur alphabétisation et de les informent sur leurs droits.

Quand je suis arrivée à Montpellier, j’ai appris la langue française. Puis, j’étais en stage au festival Arabesques avant de faire un Service Civique à Kaina TV à la Mosson.

 Au cours de l’année 2021, j’ai tenu à réaliser un documentaire sur les droits des femmes. C’est une thématique qui m’a toujours interpellée. Je suis très sensible à notre sort. En réalisant ce film, je me suis rendue compte que beaucoup de femmes d’autres pays vivent également des situations dramatiques. Des situations que je voulais absolument dénoncer. Je voulais qu’elles prennent conscience qu’il faut toujours se battre et aller de l’avant. Les femmes peuvent obtenir tout ce qu’elles désirent. Certaines personnes ne connaissent pas encore leurs droits ou sont mal informées. Durant le tournage, des femmes m’ont raconté leur vie, les violences qu’elles ont subi de la part de leurs proches, de leurs maris.

Je trouve qu’en France, il y a plus de liberté. Les femmes ont plus de droits que dans mon pays. Ici, elles ont accès à l’éducation facilement et peuvent ouvrir seule un compte bancaire par exemple. Là-bas, nous sommes considérées comme des êtres sans valeur. Nous n’avons pas le droit de vivre seules. Par exemple, d’une manière générale, quand nous sommes mariées à un homme et si ce dernier est violent, nous ne pouvons qu’accepter la situation. En Afghanistan, il était trop difficile pour moi d’atteindre mon objectif, c’est-à-dire m’émanciper, choisir ma vie professionnelle. En août 2021, les Talibans se sont emparés de Kaboul armes à la main. 

L’Afghanistan a régressé de vingt ans. La situation actuelle est catastrophique. Je suis à la fois triste et pleine de colère. Très révoltée. Le retour de ces Talibans au pouvoir a réveillé en nous des souvenirs sombres du passé. 

Ma grande préoccupation maintenant, ce sont les conditions dans lesquelles vont évoluer les femmes et les enfants. Je voudrais les aider, les soutenir. Avec un ami afghan, réfugié à Montpellier, nous avons fondé une association humanitaire. 

Mon souhait? Pouvoir changer un peu le monde. J’aimerais vraiment qu’il y ait plus d’égalité entre les femmes et les hommes.Auparavant, les femmes françaises étaient dans les mêmes situations que l’Afghanistan d’aujourd’hui au niveau social. Elles se sont battues. Nous devons aussi nous battre. On a besoin de vivre librement ».

Propos recueillis par Jean-Fabrice TIOUCAGNA