Sylvain Ferez : “Il n’y a rien de magique dans le sport”

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Sylvain Ferez, Sociologue - photo Jean-Fabrice TIOUCAGNA

À la Paillade, la tendance est au football grâce au stade de la Mosson. Pour construire leur identité, les quartiers d’une manière générale peuvent avoir un ou plusieurs sports mis à l’honneur. Cela dépend de leur géographie et de leur histoire. 

Comment peut-on déconstruire l’élitisme de certains sports dans les quartiers populaires ?

C’est rarement les clubs d’escrime ou de golf qui font la demande de diversifier l’offre. Ils peuvent la faire lorsqu’il y a une baisse d’adhérents.

Si l’on essaye de mixer des enfants des quartiers populaires et ceux des classes moyennes et aisées sans un bon accompagnement, il peut y avoir des problèmes d’interaction et des mécanismes de fuites de la part des parents.

Les éducateurs sportifs doivent être formés à la médiation sociale et l’interculturalité pour produire cette alchimie. Tout est une question de dosage pour ne pas rompre les équilibres.

Comment le sport façonne le sentiment d’appartenance et d’inclusion ?

Il n’y a pas de solution magique. Le sport est un terrain de partage et d’échange et il ne s’agit pas de le pratiquer une seule fois.

Le judo permet d’apprendre à canaliser la violence pour apprendre à gérer les conflits. Dans ce sport de contact, il faut que les éducateurs soient outillés pour que la rencontre se passe bien entre les garçons et les filles, pour parler d’inclusion.

De quelle manière se forgent les valeurs portées par le sport?

On ne peut pas parler des valeurs du sport de manière trop générale. Les valeurs sont décidées par les groupes qui pratiquent les sports en question. Elles se façonnent collectivement.

Il y a des valeurs qui peuvent être perçues positivement et négativement. La valeur de la compétition, par exemple, c’est l’acceptation de la défaite. Mais, cela ne doit pas justifier le déclassement des quartiers prioritaires, en faisant de nécessité vertu.

Comment le sport permet-il l’ascension sociale et limite la délinquance?

Les cas de sportifs de haut niveau restent rares et encore plus dans les quartiers populaires. Les sportifs de haut niveau tels que Safi n’Diaye ou Yacouba Camara issus de quartiers populaires sont rares. Il faut manipuler le symbole qu’il représente avec précaution pour ne pas créer de fausses croyances.

Le sport n’est pas qu’un espace de performances réussies. C’est avant tout un espace de solidarité et de rencontres. Le sport est une manière de s’en sortir parmi d’autres. Le « quand on veut, on peut » est parfois culpabilisant.

Il faut davantage montrer aux jeunes qu’il y a des moyens de sortir de la précarité sans passer par la délinquance. Un sportif peut gagner beaucoup d’argent mais ce n’est pas que cela.

On doit mettre en valeur des modèles de réussite accessibles pour favoriser l’identification des jeunes. On peut présenter des alternatives avec des professeurs d’éducation physique qui présentent leur parcours.

Comment limiter les stéréotypes de genre dans le sport?

Dans le sport, les pratiques sont souvent bien trop genrées. Mais, il ne faut pas qu’elles entravent la possibilité de sortir des standards pour ceux qui le désirent.

Dans les quartiers populaires, il peut y avoir des replis sur la masculinité et la féminité. Parce que ces lieux sont des espaces de relégation sociale. C’est-à-dire que l’on a pas forcément choisi d’y vivre. Néanmoins, ces replis ne sont pas systématiques. 

Pourquoi est-il primordial d’accorder une place aux personnes porteuses de handicap et âgées dans le sport dans les quartiers populaires ?

Les aménagements pour plus d’accessibilité sont plus fréquents en centre-ville que dans les quartiers populaires. La double peine c’est d’être en incapacité physique et d’être handicapés par les situations sociales.

Comme le handisport est arrivé tardivement, son offre est faible et encore plus quand il s’agit de déficience intellectuelle. Il y a beaucoup d’obésité chez ces publics-là parce que la sédentarité est très forte. Cela engendre un cumul des handicaps.

Pour les personnes vieillissantes, le sport permet le maintien de l’autonomie grâce à l’activité physique mais aussi par le lien social qui rompt l’isolement. Il faudrait encourager davantage la création de clubs séniors dans les quartiers prioritaires, puisque l’espérance de vie est malheureusement plus faible qu’ailleurs. Sans forcément pratiquer, les personnes âgées peuvent se porter bénévoles et elles se sentent utiles.

Propos recueillis par Emma D’AVERSA